le guarani
le guarani
le
guarani
source photographique :
"le yacht"
goélette mixte, transformée
en patrouilleur allemand.
coulé le 21 juin
1944 par un sous-marin britannique.
un
récit en collaboration avec françois beaumont et le g.r.i.e.m.e.
preambule
lorsque maurice piéroni
m’a griffonné ses amers sur un bout de papier, je savais que j’allais
vivre de grands moments de plongée. un coin comme cela, on le garde
secret et personne d’autre que lui ne serait allé y caler ses filets.
c’était son coin et entre gens de mer, on a le respect de l’autre.
“momo des goudes” pêcheur
bien connu de cap croisette à l’estaque, ne remontait
plus de langoustes. depuis quelque temps les prises étaient moins
bonnes, il allait pêcher plus loin. il connaissait ma passion des
épaves, et ça le titillait de savoir ce qu’il y avait en-dessous
! c’etait une épave, il en était sûr, ses filets avaient
croché plusieurs fois sur la tôle, il avait même remonté
un hublot !
un amer m’a semblé évident,
l’autre franchement obscur. “françois,
il faut être sur place pour comprendre ce que j’essaye de t’expliquer,
tu me raconteras. remonte de belles images et surtout, regarde bien si
tu ne vois pas de langoustes, et puis fais attention, il y a de l’eau quand
même “ me dit-il d’un ton jovial “ avé
l’assent de marseille”.
j’ai compris... et le sondeur
s’est affolé. les cartes marines sont muettes, pas de naufrage signalé
dans cette zone : la promesse d’une épave vierge !
histoire
du guarani
avec mon ami andré grousset,
l’aventure commençait ce samedi 2 octobre 1999. une année
de plongées, de recherches en archives, de contacts avec les etats-unis,
l’allemagne et la grande-bretagne. que de doutes et de déceptions
avant de pouvoir enfin identifier l’épave et retrouver son histoire,
grâce à trois élements majeurs :
les archives de marc saibène,
spécialiste de l’histoire maritime de la guerre 1939-1945 furent
d’abord capitales. une photo où je reconnus tout de suite mon épave
et les rapports allemands extraits du kriegtagenbuch, le fameux
k.t.b.,
puis ensuite les archives de la revue “le yacht” que j’ai consultées
au service historique de la marine à vincennes. enfin le
témoignage émouvant recueilli par andré, celui de
ronnie
coates -walker, vétéran de la deuxième guerre
mondiale, à l’époque commandant en second du sous-marin qui
a coulé le guarani et qui a gardé intact, plus d’un
demi siècle après, le souvenir de ces événements.
le yacht guarani
(*)
était une belle unité de la flotte de plaisance française.
construite en 1927 aux chantiers despujols d’arcachon, la
goélette bermudienne à moteur auxiliaire jaugeait 121 tonneaux.
son moteur diesel de 100 cv lui imprimait une vitesse de 7 noeuds. pour
une longueur totale de 29,50 m et une largeur de 5,74 m, sa surface de
voilure de 350 m2 la destinait à de longues croisières très
confortables. ses aménagements en vieux chêne ciré
étaient d’un goût remarquable.
son premier propriétaire,
monsieur jean larivière, sillonna le golfe de gascogne
et la manche. en 1928, le voilier change d’armateur et passe sous
le contrôle de monsieur oriol de madrid, il bât pavillon
argentin. il change aussi de nom et devient le gualgula. dès
lors, on perd la trace de l’élégant coursier des mers jusqu’à
ce que les allemands, le 7 janvier 1943, le saisissent, car il est
alors la propriété d’un ressortissant britannique, monsieur
rolent toms.
la kriegsmarine commence
à manquer de bateaux pour assurer la surveillance des côtes.
la guerre sous-marine dominée par l'allemagne, tourne bientôt
à l'avantage des alliés. après l’invasion de la zone
sud, le 11 novembre 1942, conséquence du débarquement des
troupes américaines en afrique du nord, la méditerranée
occidentale, entourée alors de l’espagne franquiste, de l’italie
fasciste, de la france de vichy et ses colonies nord-africaines,
devient une zone d’insécurité totale pour l’allemagne.
tout ce qui flotte est bon à être confisqué, réquisitionné
!
notre voilier subit le sort de
beaucoup d’autres, il est transformé, mutilé, enlaidi. enregistré
sous le nom de guarani dans les archives allemandes, il est alors
démâté, sa cabine modifiée est déplacée
vers l’arrière afin d’installer deux plates-formes armées
de batteries antiaériennes de 20 mm.
en
juin 1943, il est affecté à sète dans l’haffenschutzflottille
du
languedoc sous le n° fla 31. début 1944, les flottilles
portuaires sont refondues et le guarani se retrouve à
marseille. n’étant plus que le matricule
fma 06,
la pauvre goélette remplit son rôle d’unité de défense
avec les u-jäger
de la 6 ème sicherungflottille
qui traquent les sous-marins alliés. en mai 1944, une subdivision
est créée à
cassis et intègre le guarani.
les opérations se succèdent
pour le sous-marin britannique h.m.s. universal. le 22 mai 1944,
devant gênes, il a coulé l'u-jäger 2229
(ex dragueur aviso français rageot de la touche). dès
le 13 juin, il quitte à nouveau sa base de maddaléna
en sardaigne pour une mission entre
toulon et marseille.
le h.m.s. universal est
un sous-marin u class - groupe 2. son équipage de 30 hommes
était commandé par le lieutenant gordon, appelé
affectueusement par ses hommes"flash gordon", surnom tiré
de la célèbre b.d. née de l'imagination d' alex
raymond. le submersible faisait partie d'une longue série de
sous-marins dont le nom commençait par la lettre u. l'un d'entre
eux, l'upstart, n' est d'ailleurs pas inconnu des plongeurs car
il a coulé le neidersachen (ex guyane) le 25 février
1944, dans la rade de toulon par 110 m de fond.
(le lieutenant gordon et
le h.m.s. universal)
par deux fois, les 17 et 19
juin, le sous-marin échappa à la chasse des u-jäger
! par deux fois les navires passèrent au dessus de lui sans
le localiser précisément car il avait stroppé toutes
activités et observait un silence absolu. nous sommes en pleine
préparation du débarquement de provence qui se réalisera
plus tard, le 15 août 1944.
le 21 juin à la nuit
tombante, le sous-marin, en immersion périscopique repère
une proie dans les parages de cassis. deux petites unités,
le guarani ainsi que le f ma 12 (ex-chalutier arcula),
sont à l’écoute, à l’aide d’hydrophones, des ondes
acoustiques produites par les submersibles ennemis. depuis le débarquement
réussi de normandie, les allemands s’attendent à l’ouverture
d’un second front sur le sol français ; ils ne savent ni où
ni quand, mais ils s’y préparent. le haut commandement décide,
entre les ports bien fortifiés de marseille et de la ciotat,
de neutraliser celui de cassis et ainsi d’empêcher les alliés
d’y établir une tête de pont. des bateaux seront positionnés
à l'entrée du port de manière à être
facilement et rapidement déplacés puis sabordés en
travers de la passe.
dans la soirée,à
21 h 45, les paquebots amalfi (ex président dal- piaz)
et sanpiéro corso quittent port-de bouc en direction
de cassis, remorqués par le marsigli et le laborieux.
ils sont escortés par plusieurs unités allemandes. le guarani,
dans
ce contexte, doit contribuer à sécuriser la zone avec ses
“grandes oreilles”, surnom donné aux marins qui épient tous
les bruits de la mer.
le sous-marin h.m.s. universal
traque
sa cible et s’en approche à moins de 450 mètres sans se faire
repérer. un seul tir suffit, la torpille explose à l’arrière
de l’ancien voilier, qui va sombrer, il est 22 h 24 !
(*
indien d’amérique du sud, originaire du paraguay)
epilogue
le h.m.s.universal esquive
la chasse menée par les u-jäger appelés en renfort.
a 3 h du matin, le convoi allemand arrive à cassis et les
paquebots sont au mis au mouillage, puis l’escorte et les remorqueurs repartent.
dans
la journée du 22 juin, le sous-marin observe ! une seule idée,
attaquer l'ennemi. trois chasseurs patrouillant au large de cassis
quand un paquebot est repéré ancré dans la rade.
le lieutenant gordon sait
que la baie est protégée par des mines et des filets anti
sous-marins mais il estime qu’en naviguant au plus près de la côte,
par petit fond, il pourrait y avoir un espace libre pour se faufiler sans
se faire repérer. il aperçoit alors le second paquebot tout
près de l’autre. lorsque le submersible lance ses quatre torpilles
à 16 h 11, il est à 3500 m des navires. deux projectiles
atteignent le sampiéro-corso par le milieu, un incendie se
déclare aussitôt tandis qu’il coule doucement pour rester
à moitié submergé. les deux autres atteignent l’amalfi.
le paquebot s’enfonce de l’arrière, fortement penché sur
bâbord, la proue hors de l’eau contre la roche.
le h.m.s. universal alors
rebrousse chemin, son stratagème a marché car les u-jäger
sont très occupés à le rechercher plus au large. le
commandant a même pris le temps, occasion rare, de laisser l’équipage
observer au périscope le résultat de leur attaque. le sous-marin
rentrera à sa base de maddaléna, qu’il atteindra sans
encombre le 26 juin.
il semble que l’etat-major allié
ait eu vent des préparatifs allemands pour embouteiller les ports.
deux bateaux sont coulés en mer alors qu’ils étaient remorqués
sous escorte vers nice et monaco le 27 juin. les sous-marins
alliés auraient été ainsi spécialement envoyés
pour contrecarrer ce plan.
après la guerre, le
sampiéro-corso
sera renfloué et reprendra du service tandis que l’amalfi,
ex président dal piaz, sera ferraillé. quelques vestiges
sont encore visibles dans la passe de l’avant-port.
la
plongee
le
guarani
repose
à 87 m sur un fond de sable, entre la pointe de sormiou et
l’île de riou. exposée à tous les vents,
surtout à celui du sud-est, c’est une plongée qui ne sera
envisagée que par beau temps bien établi. la visibilité
souvent très bonne et le courant faible à modéré
ne doit pas faire oublier la grande profondeur du site !
(vue sur l'écoutille
du guarani)
l’épave, magnifique et
poissonneuse, est posée bien droite sur sa quille, le bois a disparu
mais elle est bien conservée sur les trois-quart de sa longueur.
sur le pont, à 84 m, l’écoutille a sa porte qui ouvre vers
l’intérieur et on peut observer l’emplanture du beaupré et
du mât de misaine. au niveau de la grande cale, il y a tout un bric-à-brac
de vestiges. le plus important est celui d’une pièce d’artillerie
sur affût dont l’extrémité du canon repose sur le pont
à bâbord. le deuxième canon est tombé sur le
sable.
(plongeur sur l'écoutille
du guarani)
en arrière de l’emplanture
du grand mât, une grande tôle presque verticale et la coque
disloquée, témoignent de la violence de l’explosion qui a
amputé le guarani de sa poupe. un filet perdu par un chalutier
recouvre une partie de la proue, celui-ci a balayé le pont puis
est resté accroché à la cassure. le chalut remonte
à 77 m, soutenu par ses flotteurs.
(volant de manoeuvre du guarani)
la coque est recouverte d’huîtres,
peuplée d’un nuage de tacots et d’anthias, habitée par de
vieux congres et quelques langoustes rescapées des filets de “momo
des goudes”.
(hublot du guarani)
localisation
- acces
ports d’accès :
la pointe-rouge à
6,5 milles.
la ciotat à 9.5
milles
position : nord ouest
de l’îlot du grand congloué
n 43° 11,149
e 005° 25,061
europe 50-1.
profondeur : 84 à
87 m
remerciements
qui
est francois beaumont ?
françois beaumont
est
pharmacien dans la région parisienne. ses rencontres dans
les années 80-90 avec urs brunner qui dessine si bien les
épaves, puis avec un autre pharmacien, jean pierre joncheray,
marqueront un tournant dans son parcours de plongeur, nourri par la lecture
des “portraits d’épaves” et autres “naufrages en
provence”.
avec jean-pierre, il est à
bonne école et s’initie à l’archéologie sous-marine,
discipline qu’il pratique maintenant sur l’archéonaute, la
prestigieuse unité du d.r.a.s.s.m.
une solide amitié, dès
1993, le lie avec andré grousset qui lui a fait partager
quelques “premières” au-delà des 80 m. les épaves,
connues seulement par les plongeurs-démineurs de la marine nationale
dans le secteur de toulon : phoebus, heinkel 111, torpilleur
etoile, cap gros(ex sally of new york), sont devenues maintenant
des classiques de la plongée tek.
puis ce passionné d’histoire
et d’archéologie est tombé amoureux de marseille .
il parcourt inlassablement les eaux de la vieille cité phocéenne
à la recherche de nouvelles épaves, pour les filmer, les
dessiner et les identifier en plongeant aussi dans les méandres
des archives..
il a retrouvé l’anaïs-c,
fait connaître, entre autres, la pigoulière et le petit
saint-do, mais sa plus belle découverte reste celle du patrouilleur
allemand “guarani”, coulé par 87 m de fond, au large des
calanques.
né en 1947, il est moniteur
cmas 1*, scaphandrier classe ii mention b. françois beaumont
dirige
régulièrement des “stages-épaves” aux goudes
à
marseille ainsi qu’en mer rouge sur la côte égyptienne.
credit
photos sous-marines
andré
gousset
reproduction
interdite sans autorisation
le guarani Précédent 338 Précédent 337 Précédent 336 Précédent 335 Précédent 334 Précédent 333 Précédent 332 Précédent 331 Précédent 330 Précédent 329 Précédent 328 Précédent 327 Précédent 326 Précédent 325 Précédent 324 Précédent 323 Précédent 322 Précédent 321 Précédent 320 Précédent 319 Précédent 318 Précédent 317 Précédent 316 Précédent 315 Précédent 314 Précédent 313 Précédent 312 Précédent 311 Précédent 310 Précédent 309 Suivant 340 Suivant 341 Suivant 342 Suivant 343 Suivant 344 Suivant 345 Suivant 346 Suivant 347 Suivant 348 Suivant 349 Suivant 350 Suivant 351 Suivant 352 Suivant 353 Suivant 354 Suivant 355 Suivant 356 Suivant 357 Suivant 358 Suivant 359 Suivant 360 Suivant 361 Suivant 362 Suivant 363 Suivant 364 Suivant 365 Suivant 366 Suivant 367 Suivant 368 Suivant 369